samedi 3 octobre 2009

Quelques mots sur Cheng Shifa

Voici quelques lignes sur Cheng Shifa, un artiste et auteur de lianhuanhua qui vient de disparaître il y a quelques semaines. Si j'en parle ce n'est pas seulement pour suivre l'actualité mais aussi parce que lui aussi , comme Wang Shuhui, est emblématique de ces artistes éclectiques, fortement marqués par la tradition picturale chinoise.



Cheng Shifa, le poète de la Chine des minorités

Connu pour l'adaptation d'un récit fantastique des Contes du pavillon des loisirs (聊斋) de Pu Songling, Cheng Shifa excelle aussi dans le domaine du conte folklorique et la peinture des minorités du sud-ouest de la Chine.Ebing et Sangluo (亚碧与山罗) est l'une de ces oeuvres, qui plonge dans le Yunnan de l’ethnie Dai.Pour présenter cet ouvrage je préfère céder ma plume à celle bien plus poétique et évocatrice de Jean-Pierre Diény, auteur d'un ouvrage sur le livre pour enfants en Chine, Le Monde est à vous (Collection témoins, Gallimard): "Comme autrefois les amants séparés Liang Shanpo et Zhu yingtai, Ebing et Sangluo périrent plutôt que de renoncer à un amour que leur interdisait la société féodale. Idéalement beaux et destinés l'un à l'autre par la rumeur publique, ils s'aimaient avant même de se connaître. Mais leurs mères, qui avaient en vue d'autres mariages, usèrent de force et de violence pour les séparer. Après la mort d'Ebing et le suicide de Sangluo, une liane unit leurs deux tombes, puis un jour, ayant pris feu, projeta deux étoiles au ciel, de part et d'autre de la Voie Lactée. La beauté du lavis est digne dans ce chef-d'oeuvre de la séduction du récit, qui passe de l'humour au pathétique et à l'horreur d'un ton direct et sans emphase.(...) La persécution qu'ils subissent apparaît comme un effet de l'obscure fatalité qui les voue à l'amour et à la mort. Le charme du récit tient d'ailleurs au mystère de ce destin, que rappellent à chaque page des pressentiments, des coïncidences ou des prodiges."
Autre oeuvre de Cheng Shifa, Le Geai à l'épingle de jade (姑娘与八哥鸟) s'inspire également du folklore des minorités chinoises:









































Traduit en français (parution aux Editions en langues étrangères en 1965) Le prince intrépide et la Princesse Nannona (召树屯和喃诺娜) est très proche des oeuvres précédentes: on y retrouve la trame narrative du conte, l'exotisme des paysages et des personnages ainsi que la délicatesse du lavis.






















Histoires à dormir debout


Une des oeuvres fétiches des illustrateurs et auteurs de lianhuanhuas est le recueil des Contes du pavillon des loisirs (聊斋). Trois collections de lianhuahuas y ont été consacrées, sans compter les ouvrages isolés qui eux sont innombrables. La Peau peinte (画皮) est l'un d'eux. Il conte la mésaventure du lettré Wang, séduit par une jeune beauté qui s'avère être un démon. La peau peinte est celle dont se revêt le démon (image du centre) afin de tromper le lettré. Sur l'image de droite, une ombre inquiétante (celle du démon) se dessine derrière la silhouette de l'accorte jeune femme. Seule l'intervention inopinée d'un sage taoïste sauvera l'imprudent Wang! Autre ouvrage d'histoires fantastiques, Les Histoires où l'on n'a pas peur des fantômes (不怕鬼的故事) sont parues dans une édition agrémentée de plusieurs hors-texte de l'artiste dont voici la couverture (en traduction anglaise pour les Editions en langues étrangères):L'artiste y abandonne le lavis pour le dessin à l'encre de Chine.
























Enfin, pour clore cette présentation, encore un mot au sujet du Roman de l'épée audacieuse (胆剑篇. Il ne s'agit plus d'illustration mais d'un véritable lianhuanhua à l'encre de Chine. La veine est épique et la manière totalement renouvelée par rapport aux œuvres précédentes.Cette brève présentation est loin de résumer l'immense production de Cheng Shifa, qu’il s’agisse de sa production de lianhuanhuas ou de son œuvre picturale, encore plus abondante. Elle vise simplement à donner un avant-goût de la poésie toute bucolique et empreinte de délicatesse de cet artiste.

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