mercredi 23 septembre 2009

Au bord de l'eau ( 水浒传)

Au Bord de l’eau (水浒传) est l’un des quatre romans classiques de la littérature chinoise et demeure à ce jour l’une des œuvres les plus appréciées du public chinois. Cette vaste fresque conte les aventures de soldats renégats, d’aventuriers et de hors-la-loi épris de justice, dont la coalition finit par menacer le gouvernement local, corrompu et malfaisant. C’est une sorte d’épopée de la rébellion, aux accents contestataires, qui a été hissée au rang d’œuvre emblématique au moment de la Révolution Culturelle, pour des raisons idéologiques qu'il serait un peu long d'expliquer. On peut en lire (à un prix tout à fait modéré) une traduction de qualité dans l’édition Folio, qui reprend celle de La Pléiade.
Cette oeuvre a très tôt intéressé les auteurs de bandes dessinées. Des adaptations complètes sont parues, dès les années vingt, et des auteurs contemporains se sont également risqué à cet exercice. D'autres ont préféré se limiter à des épisodes fameux centrés sur un personnage important: le preux Lin Chong, ou le redoutable Wu Song.
Voici quelques images tirées des oeuvres les plus célèbres ou (très subjectivement) les plus belles, parues entre 1950 et 2006.





















Cette case est tirée d'une série de six livrets parus au tout début des années cinquante et réédités il y a peu. A cette époque le lianhuanhua partage encore avec la bande dessinée occidentale beaucoup de caractéristiques communes: les phylactères, un récitatif peu prolixe, un rythme de narration soutenu et un graphisme qu'on pourrait qualifier de ligne claire à la chinoise.
Une adaptation intégrale en vingt-six volumes est publiée vers la fin des années cinquante aux Editions d'art du peuple (人民美术出版社). Les couvertures en sont souvent remarquables.

























Chaque épisode était confié à un auteur reconnu. Ren Shuaiying (任率英), considéré à l'époque comme un maître, a dessiné le deuxième volet, qui narre les aventures du moine Lu Zhishen. Les vignettes qui suivent racontent son séjour au mont Wutai, où ce moine ivrogne, goinfre et mal dégrossi sème le scandale et finit par se faire renvoyer du monastère où il était accueilli.





















Liu Jiyou choisit la couleur et l'art du pinceau traditionnel pour adapter,au tout début des années soixante, en quelques vignettes qui tirent l'oeuvre du côté de l'illustration, l'épisode intitulé Wu Song tue un tigre.

















De nombreuses versions d'Au Bord de l'eau ont paru après 1970, au milieu de la Révolution culturelle, mettant en valeur certains personnages et en stigmatisant d'autres (identifiés à des dirigeants existant) cependant que les oeuvres antérieures à 1966 étaient vouées au pilon:
"En ville, ce genre de livre était considéré comme faisant partie des « quatre vieilleries » et avait disparu depuis longtemps. Cet ouvrage,[un épisode de Au Bord de l'eau en bande dessinée] éclairé par une faible lampe à pétrole, resurgissait devant moi d'une manière complètement inattendue et m'apparut comme une lointaine réminiscence. Je ressentis soudain combien ces années de révolution avaient été épuisantes, au point que cette vieille histoire de meurtre ressemblait à une très douce et reposante berceuse."
Extrait de A. Cheng, Le Roi des échecs, P. 133-134.
A la fin des années soixante-dix, les Editions d'art du peuple (人民美术出版社) décident de publier une nouvelle adaptation complète du roman, à la suite de celle déjà parue vingt ans plus tôt. De grands noms collaborent à l'entreprise, parmi lesquels Wang Hongli (王宏力), chez qui l'épique disparaît au profit du pittoresque et parfois même du comique.
















Dai Dunbang (戴敦邦), qui a dessiné certaines des couvertures de la série, en a aussi conçu quelques épisodes. Il reviendra à plusieurs reprises sur cette oeuvre qui semble le hanter, que ce soit sous la forme d'autres bandes dessinées, de peinture ou d'illustration.


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